Emmaüs-Nicopolis

Jésus embrase nos coeurs

Psautier de Robert de Lisle, XIVe s.

Origène, IIIe siècle:

Homélies sur l'Exode, 12, 4:

...Cela montre que nous ne devons pas uniquement être zélés pour étudier les livres sacrés, mais aussi pour prier le Seigneur et l'implorer « jour et nuit » afin que l'Agneau « de la tribu de Juda » puisse venir et, prenant lui-même « le livre scellé », daigne l'ouvrir. Car c'est lui qui « en ouvrant les Écritures », embrase le coeur des disciples afin qu'ils disent : « Notre coeur n'était-t-il pas brûlant pendant qu'il nous ouvrait les Écritures ? »

Notre traduction a partir de: Ancient Christian Commentary of Scripture, New Testament III (Luke), Arthur A Just Jr., ed., Illinois, 2003, p. 383)

Homélies sur l’Exode, 13, 4:

A cet égard aussi, le feu est double. Il y a un feu dans ce siècle, et un dans le siècle futur. Le Seigneur Jésus dit « Je suis venu jeter le feu sur la terre.» Ce feu-ci illumine. Le même Seigneur dira encore, dans le siècle futur, aux ouvriers d’iniquité : «Allez au feu éternel que mon Père a préparé pour le diable et ses anges.» Ce feu-là brûle. Mais ce feu que Jésus est venu jeter, certes «illumine tout homme qui vient en ce monde » ; il a néanmoins la propriété de brûler, comme l’avouent ceux qui disent : «Notre coeur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous ouvrait les Ecritures?» En même temps donc, il brûlait et illuminait en «ouvrant les Ecritures». Toutefois, je ne sais si le feu qui brûle dans le siècle futur a aussi la propriété d’illuminer.

Traduction: M. Borret, SC 321, Paris, Cerf, 1985, pp. 389 -391

Homélies sur le Lévitique, 9,9

Veux-tu que je te montre qu’un feu jaillit des paroles de l’Esprit Saint et enflamme le coeur des croyants? Écoute David disant dans le Psaume : « La parole de Dieu a enflammé mon coeur. » D’autre part, il est écrit dans l’Evangile, de la bouche de Cléophas, après que le Seigneur lui eut parlé : « Notre coeur n’était-il pas brûlant au-dedans de nous, quand il nous ouvrait les Ecritures? » Et toi, d’où te viendra l’ardeur? Où trouver « des charbons de feu » en toi qui n’es jamais brûlé par la parole du Seigneur, jamais enflammé par les paroles du Saint-Esprit? Écoute le même David dire encore ailleurs « Mon coeur s’est échauffé au-dedans de moi, et dans ma méditation un feu s’allume. » D’où te vient la chaleur? Où le feu s’allume-t-il en toi qui ne médites jamais les paroles divines, bien au contraire, et c’est plus malheureux, t’échauffes aux spectacles du cirque, t’échauffes aux courses de chevaux, à la lutte des athlètes? Or ce feu n’est pas celui de l’autel du Seigneur, c’est celui qu’on dit feu profane», et tu viens d’entendre que ceux qui ont offert « un feu profane devant le Seigneur ont péri ». Tu t’échauffes encore quand la colère te remplit et quand la fureur t’enflamme, et parfois tu es consumé par l’amour charnel et en proie à l’incendie d’une passion très honteuse. Mais tout ce «feu» est « profane » et contraire à Dieu ; celui qui l’allume, à n’en pas douter, subira le sort de Nadab et d’Abiud.

Traduction: M. Borret, SC 287, Paris, Cerf, 1981, pp. 119-121

Homélies sur Josué, 15,3:

L’Ecriture mentionne aussi les chevaux des Egyptiens, comme elle mentionne ici les chevaux qu’elle ordonne de massacrer. Il faut donc comprendre que, sous le type des ânes, sont sauvées à juste titre les nations, qui se convertissent à la foi tandis que, sous le type des chevaux et des chars, sont exterminés à juste titre les démons, qui sont les adversaires et les ennemis du salut des hommes. Si nous comprenons maintenant que les chevaux et les chars signifient également les passions corporelles : impureté, sensualité, orgueil et inconstance; passions que l’âme malheureuse enfourche, pour ainsi dire comme une monture, et qui la précipitent aux abîmes; si nous comprenons que c’est à ces passions qu’il faut couper les jarrets sur l’ordre de Dieu, cette interprétation sera conforme aux exigences de notre esprit. On coupe les jarrets d’un cheval quand on mate son corps par les jeûnes, les veilles et les privations de toutes sortes ; et on livre les chars au feu quand s’accomplit en nous la parole du Seigneur: « Je suis venu jeter le feu sur la terre, et quel désir ai-je, sinon qu’il s’allume? » Ils brûlaient de ce feu ceux qui déclaraient : « Est-ce que notre coeur n’était pas tout brûlant au-dedans de nous lorsqu’il nous ouvrait les Ecritures? »

Traduction: A. Jaubert, SC 71, Paris, Cerf, 2000, p. 339

Homélies sur Jérémie, 20,8:

Autre est la souffrance qui vient du feu que Jérémie a décrit en disant : « Et il se produisit dans mon coeur comme un feu brûlant, enflammé dans mes os, j’ai été accablé de toute part et ne puis le supporter ». Ce feu-là est allumé par le Sauveur qui a dit « Je suis venu jeter le feu sur la terre ». Et c’est parce que ce feu est allumé par le Sauveur que, chez ceux qui commencent à l’écouter, il commence par le feu et jette d’abord le feu dans leur coeur, comme le confessent Simon et Cléophas qui disaient à propos de ses paroles : « Noire coeur n’était-il pas brûlant, sur le chemin, quand il nous dévoilait les Écritures ?». Ici c’est à la fois le coeur de Simon et celui de Cléophas qui brûlent par le feu ; entends-les dire: «Notre coeur n’était-il pas brûlant ? ».

Traduction: P. Husson et P. Nautin, SC 238, Paris, Cerf, 1977, p. 291


Commentaire sur l'Evangile de Jean, livre 1, 49-50:

...Paul dit : « Je prendrai connaissance non des discours de ceux qui se sont enflés d'orgueil, mais de leur puissance, car le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en puissance » et ailleurs : « Ma parole et ma prédication n'ont rien des discours persuasifs de la sagesse, mais c'est une démonstration d'esprit et de puissance ». Rendant témoignage à cette puissance, Simon et Cléophas disent : « Notre coeur n'était-il pas tout brûlant tandis qu'en chemin il nous expliquait les Écritures? »

Traduction: C. Blanc, SC 120 bis, Paris, Cerf, 1996, p. 85

S. Ambroise , Isaac , ou l'âme , 8.77 , écrit en l'an 390:

En outre, « le zèle est comme le shéol», parce que celui qui a du zèle pour Dieu par amour du Christ n'est pas avare de ce qui est le sien. Ainsi l'amour englobe la mort et l'amour englobe le zèle et l'amour possède des ailes de feu. En effet, le Christ, aimant Moïse, lui apparut dans le feu, et Jérémie, ayant en lui le don de l'amour divin, dit: « Il y avait un feu dans mes os et je suis devenu affaibli de tous les côtés et je ne puis le supporter. » Alors l'amour est bon, ayant des ailes de feu brûlant, il vole à travers les poitrines et les coeurs des saints en consommant tout ce qui est matériel et terrestre, et en sondant tout ce qui est pur, et par son feu améliorant tout ce qu'il touche. Ce feu, Seigneur Jésus l’envoya sur la terre, et la foi brilla, la dévotion s’embrasa, l'amour fut allumé, et la justice resplendit. Grâce à ce feu, il enflamma le coeur de ses apôtres, comme en témoigne Cléophas, en disant: «Notre coeur ne brûlait-il pas en nous, tandis que il expliquait les Ecritures? » Par conséquent, les ailes de feu sont les flammes de la divine Écriture.

Notre traduction à partir de: Saint Ambrose, Seven Exegetical Works, translated by Michael P. McHugh, The Catholic University of America Press, Washington, 1972, pp. 60-61


Guigues II le Chartreux, Sixième lettre sur la vie contemplative, 142-150, écrit à la fin du XIIe siècle:

J'ai cherché votre visage, Seigneur; Seigneur, j'ai cherché votre visage; j'ai longtemps médité dans mon coeur, et dans ma méditation s'est développé immensément un feu, le désir de vous connaître davantage. Quand vous me rompez le pain de la Sainte Écriture, vous m'êtes connu par cette fraction du pain ; plus je vous connais, plus je désire vous connaître, non plus seulement dans l'écorce de la lettre, mais dans la connaissance savourée de l'expérience. Et je ne demande pas ce don, Seigneur, à cause de mes mérites, mais en raison de votre miséricorde.

Traduction par un chartreux, SC 163, Paris, Cerf, 2001, p. 95

Thomas à Kempis, Imitation de Jésus-Christ, IV, ch. 14 (Début du XVe s.):

Ils reconnaissent vraiment le Seigneur à la fraction du pain, ceux dont le coeur est tout brûlant lorsque Jésus est avec eux. Qu'une affection si tendre, un amour si vif est souvent loin de moi! [...] Ayez pitié, Seigneur, d'un pauvre mendiant et faites que j'éprouve au moins quelquefois, dans la sainte communion, quelques mouvements de cet amour qui embrase le coeur, afin que ma foi s'affermisse, que mon espérance en votre bonté s'accroisse, et qu'enflammé par cette manne céleste, jamais la charité ne s'éteigne en moi. Dieu de bonté, vous êtes tout-puissant pour m'accorder la grâce que j'implore, pour me remplir de l'esprit de ferveur et me visiter dans votre clémence, quand le jour choisi par vous sera venu.

Traduction: F. de Lamennais, éditions Ambroise Bray, Paris, 1859, p. 412

Stefan Lochner, XVe s.

S. Jean de la Croix, La montée du mont Carmel, Livre 3, ch. 31, 8 (1581-1585):

De là vient que plus il y a de merveilles qui concourent à faire croire, moins il y a de mérite à donner sa créance. Car la foi, dit saint Grégoire, est vide de mérites lorsque la raison humaine et l'expérience lui servent de preuve (Greg., homil. XXVI, in Evang.). C'est pourquoi Dieu n'accorde aux hommes des miracles que quand ils sont nécessaires pour les engager à croire, ou pour avancer la gloire de son saint nom, ou pour d'autres fins très-saintes que ses fidèles serviteurs se proposent en ces rencontres. De peur aussi que ses disciples ne perdissent le mérite de la foi, s'il les eût convaincus de sa résurrection par des preuves tirées de la raison et de l'expérience, il fit plusieurs choses miraculeuses avant que de paraître à leurs yeux en sa vie glorieuse, afin que, sans le voir, ils crussent qu'il était ressuscité. Il montra d'abord à Marie Madeleine son tombeau vide; ensuite il commanda aux anges de lui déclarer ce mystère, parce que, dit saint Paul, la foi vient de l'ouïe, afin qu'elle le crût avant qu'elle en eût des preuves par la vue. […] Et lorsqu'il se joignit aux disciples qui allaient au bourg d'Emmaüs, il enflamma leurs coeurs d'une extrême ardeur, avant que de se découvrir à eux.

Traduction: J. Maillard, éditions Jacques Lecoffre, Paris, 1849, pp. 296-297


S. François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, livre 3, ch. 9, écrit en 1615:

«O que vos paroles», dit le grand roi, «sont douces, Seigneur, à mon palais, plus douces que le miel à ma bouche!» (Ps. 118, 103) « Notre coeur n’était-il pas tout ardent, tandis qu’il nous parlait en chemin?» disent ces heureux pèlerins d’Emmaüs, parlant des flammes amoureuses dont ils étaient touchés par la parole de la foi. Que si les vérités divines sont de si grande suavité, étant proposées en la lumière obscure de la foi, ô Dieu, que sera-ce quand nous les contemplerons en la clarté du midi de la gloire ?