Emmaüs-Nicopolis
Emmaüs dans la tradition chrétienne
Emmaüs, d'où venait Cléophas dans l'Evangile de Luc. C’est Nicopolis d’aujourd’hui, une ville célèbre en Palestine.
Eusèbe de Césarée, Onomasticon, écrit entre 295 et 312 après J.-C., la traduction est de nous, voir: Das Onomastikon der Biblischen Ortsnamen, mit der lateinischen Übersetzung des Hieronymus, E. Klostermann, éd, Leipzig, 1904; The Onomasticon, G. S. P. Freeman-Grenville, trad., Jerusalem, 2003
Evangile de Luc, ch. 24, 13-35
Et voici, ce même jour, deux disciples allaient à un village nommé Emmaüs, éloigné de Jérusalem de cent soixante stades; et ils s'entretenaient de tout ce qui s'était passé. Pendant qu'ils parlaient et discutaient, Jésus s'approcha, et fit route avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Il leur dit: De quoi vous entretenez-vous en marchant, pour que vous soyez tout tristes? L'un d'eux, nommé Cléopas, lui répondit: Es-tu le seul qui, séjournant à Jérusalem ne sache pas ce qui y est arrivé ces jours-ci? - Quoi? leur dit-il. -Et ils lui répondirent: Ce qui est arrivé au sujet de Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en oeuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, et comment les principaux sacrificateurs et nos magistrats l'on livré pour le faire condamner à mort et l'ont crucifié. Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël; mais avec tout cela, voici le troisième jour que ces choses se sont passées.
Il est vrai que quelques femmes d'entre nous nous ont fort étonnés; s'étant rendues de grand matin au sépulcre et n'ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire que des anges leurs sont apparus et ont annoncé qu'il est vivant. Quelques-uns de ceux qui étaient avec nous sont allés au sépulcre, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l'avaient dit; mais lui, ils ne l'ont point vu.
Alors Jésus leur dit: O hommes sans intelligence, et dont le coeur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses, et qu'il entrât dans sa gloire? Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait. Lorsqu'ils furent près du village où ils allaient, il parut vouloir aller plus loin. Mais ils le pressèrent, en disant: Reste avec nous, car le soir approche, le jour est sur son déclin. Et il entra, pour rester avec eux. Pendant qu'il était à table avec eux, il prit le pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent; mais il disparut de devant eux.
Et ils se dirent l'un à l'autre: Notre coeur ne brûlait-il pas au dedans de nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures? Se levant à l'heure même, ils retournèrent à Jérusalem, et ils trouvèrent les onze, et ceux qui étaient avec eux, assemblés et disant: Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon. Et ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l'avaient reconnu au moment où il rompit le pain.
Traduction: Louis Segond
Jésus ressuscité apparait à Emmaüs:
Constitutions apostoliques, livre V, 14, 19 (écrit en 375-380):
Mais à l’aube du premier jour de la semaine Il ressuscita des morts, et accomplit ce qu’il nous avait prédit avant sa passion, en disant: «Le Fils de l'homme doit rester dans le sein de la terre trois jours et trois nuits» et en ressuscitant d'entre les morts, il apparut d’abord à Marie de Magdala et à Marie, mère de Jacques, puis à Cléophas en chemin, et ensuite à nous ses disciples, qui avions fui par peur des Juifs, mais en privé étions très curieux à son sujet. Mais ces choses sont également écrites dans l'Évangile.
Notre traduction à partir de: Didascalia et Constitutiones Apostolorum, F. X. Funk, éd., Paderbornae, 1905, t. 1, p. 277
S. Jérôme, Lettre à Pammachius contre Jean de Jérusalem (écrit autour de l'an 398):
Ne soyez pas si simples que de vous méprendre sur la résurrection du Seigneur, parce que vous lirez qu'il montra son côté et ses mains, qu'il parut debout sur le rivage de la mer, qu’il voyagea avec Cléophas, et assura que son corps était composé d'os et de chair. Ce corps a d'autres privilèges, car il n'est point né de la semence de l'homme et de la volupté de la chair. Si, après sa résurrection, le Christ mange et boit ; s'il apparaît couvert de vêtements, s'il se laisse toucher, c'est afin de convaincre de la vérité de sa résurrection ses apôtres incertains. Cependant il révèle assez la nature toute aérienne, toute spirituelle de son corps, lorsqu'il entre au Cénacle, les portes étant fermées, et que, à la fraction du pain, il disparait aux yeux de ses disciples. Nous devrons donc, après la résurrection, boire encore et manger, puis nous décharger de ce que l'estomac aura digéré. Comment alors s'accomplira cette promesse : Il faut que ce corps mortel soit revêtu de l'immortalité ? (1 Corinthiens, 15,53). [...] Il mangea véritablement avec eux, il marcha véritablement avec Cléophas, il parla véritablement avec des hommes. Il se mit véritablement à table le jour de la cène ; il se servit de véritables mains pour prendre le pain, pour le bénir, le rompre et le distribuer à ses apôtres. Que s'il disparut soudain à leurs yeux, ce fut un effet de la puissance de Dieu, et non point une preuve que son corps fût une ombre et un fantôme. [...] Mais, allez-vous dire, comment donc les disciples qui se trouvèrent en chemin avec lui ne le connurent-ils pas, s'il avait le même corps qu'auparavant? Ecoutez ces paroles de l'Écriture : Leurs yeux étaient retenus par une force divine, qui les empêchait de le reconnaître. Et encore : Leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent. N'était-il pas le même, quand on ne le reconnaissait pas, que lorsqu'on le reconnaissait? Assurément, il était bien le même. Donc, le connaître et ne pas le connaître, cela tenait à leurs yeux, et non point à celui qu'ils voyaient. Cela néanmoins tenait aussi au Christ, car il empêchait leurs yeux de le reconnaître. Enfin, pour que vous sachiez que leur erreur venait alors, non point du corps du Seigneur, mais de leurs yeux, qui étaient liés, l'Écriture ajoute : Leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent…
Traduction: J.-F. Grégoire et F.-Z. Collombet, Lettres de S. Jérôme, Lyon, 1837, t. II, p. 387
La Resurrection et le repas à Emmaüs , Psautier de Grandison, XIIIe s., British library
Bx. Guerric d’Igny, abbé cistercien, Troisième sermon pour l’Avent, 3 (première moitié du XIIe siècle:)
«Mais pour vous qui craignez mon nom, dit-il, le Soleil de justice se lèvera, et celui qui marche dans la justice verra de ses yeux le Roi dans sa beauté. » Assurément, il s'agit ici de la béatitude de la vie future; mais, dans une certaine mesure, cela nous est accordé aussi dans la vie présente, par manière de consolation, comme la Résurrection du Christ le montre avec évidence. En effet, pendant quarante jours, maintes preuves nous furent données par la Sagesse de ce qu'elle «cherche de tous côtés des âmes dignes d'elle, et se montre à celles-ci sur ses chemins avec un visage riant, allant au-devant d'elles avec toute la sollicitude de sa providence». Jésus voulut ainsi montrer qu'il est cette Sagesse dont l'Écriture parle en ces termes, et manifester corporellement en ce jour ce qu'il ne cesse de faire spirituellement chaque jour, à savoir: se montrer à nous le visage souriant sur les chemins de la justice. C'est pourquoi en ce jour il alla sur le chemin au-devant des femmes qui revenaient du tombeau et, sur le chemin encore, il se montra aux disciples qui se rendaient à Emmaüs.
Traduction: P. Deseille, SC 202, Paris, Cerf, 1973, p. 253
Catéchisme de l'Eglise Catholique, § 645 (l'an 1992):
Jésus ressuscité établit avec ses disciples des rapports directs, à travers le toucher et le partage du repas. Il les invite par là à reconnaître qu’il n’est pas un esprit mais surtout à constater que le corps ressuscité avec lequel il se présente à eux est le même qui a été martyrisé et crucifié puisqu’il porte encore les traces de sa passion . Ce corps authentique et réel possède pourtant en même temps les propriétés nouvelles d’un corps glorieux : il n’est plus situé dans l’espace et le temps, mais peut se rendre présent à sa guise où et quand il veut car son humanité ne peut plus être retenue sur terre et n’appartient plus qu’au domaine divin du Père. Pour cette raison aussi Jésus ressuscité est souverainement libre d’apparaître comme il veut : sous l’apparence d’un jardinier ou «sous d’autres traits» que ceux qui étaient familiers aux disciples, et cela pour susciter leur foi.
Le compagnon de Cléophas sur le chemin d'Emmaüs fut son fils Siméon, le futur évêque de Jérusalem:
Origène, Contre Celse, livre II, 62, écrit en l'an 248 :
Et dans l'Évangile selon Luc, alors que Simon et Cléophas s'entretenaient l'un l'autre de tout ce qui venait de leur arriver, Jésus survint près d'eux, « et il fit route avec eux; mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Il leur dit : quels sont ces propos que vous échangez en marchant? » Et lorsque « leurs yeux s'ouvrirent et qu'ils le reconnurent », alors, l'Écriture le dit en propres termes, « lui, il avait disparu à leurs regards ».
Traduction: M. Borret, SC 132, Paris, Cerf, 1967, p.431
S. Siméon, gravure de Diodore Rahoult
Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, livre 3, ch. 11 (écrit autour de l'an 324):
Après le martyre de Jacques et la destruction de Jérusalem qui arriva en ce temps-là, les apôtres et les disciples du Seigneur qui étaient encore en vie s’assemblèrent de partout, à ce que l’on raconte, et se réunirent aux parents du Seigneur selon la chair - un grand nombre d’entre eux, en effet, étaient alors encore en vie - et tous ensemble tinrent conseil pour examiner qui il fallait juger digne de la succession de Jacques: tous, d’une seule pensée, décidèrent que Siméon, fils de Clopas, qui est mentionné dans le livre de l’Evangile, était digne du siège de cette Eglise: il était, dit-on, cousin du Sauveur. Hégésippe raconte en effet que Clopas était le frère de Joseph.
Traduction: G. Bardy, SC 31, Paris, Cerf, 2001, p.118
S. Cyrille d'Alexandrie, Commentaire sur l’Evangile de Luc, ch. 24 (première moitié du Ve s.):
Vous devez savoir que ces deux disciples appartenaient au nombre de soixante-dix (apôtres), et que le compagnon de Cléophas était Simon - pas Pierre ou celui de Cana - mais un autre Simon, du groupe des soixante-dix.
Notre traduction à partir de: A Commentary upon the Gospel according to S. Luke by S. Cyril, Patriarch of Alexandria, translated by R. Payne Smith, Part II, Oxford, 1859, p. 726
Apparition de Jésus aux disciples sur le chemin d'Emmaüs (Notre-Dame de Paris)
Une autre tradition considère S. Luc lui-même avoir été le compagnon de Cléophas:
S. Grégoire le Grand, Moralia in Job, Préface, 3 (fin du VIe s.):
Car dans la sainte Écriture, il arrive souvent aux écrivains de parler d’eux-mêmes â la troisième personne. [...] Ainsi Luc : «Or deux disciples étaient en route, Cléophas et un autre»; le silence gardé avec tant de soin montre assez, on l'a remarqué, que cet «autre» est Luc lui-même. Les écrivains sacrés, sous la motion du Saint-Esprit, témoignent d’eux-mêmes comme ils le feraient d’un tiers.
Traduction: A. de Gaudemaris, SC 32 bis, Paris, Cerf, 1975, p. 139
Prière russe orthodoxe pour les voyageurs:
Seigneur, Qui T’es joint à Luc et à Cléophas sur le chemin d’Emmaüs, accompagne Tes serviteurs qui s’apprêtent à voyager ; délivre-les de tout accident car, Seigneur miséricordieux, Ta puissance est infinie et n’a d’autre borne que Ta Sainte Volonté.
Traduction: http://calendrier.egliseorthodoxe.com/pages/prieres/voyage.html
A Emmaüs, Jésus rompit le pain dans la maison de Cléophas:
S. Jérôme, Lettre 108 (écrit en 404):
...Reprenant sa route, (Paula) vint à Nicopolis, auparavant nommée Emmaüs, où le Seigneur fut reconnu dans la fraction du pain, et de la maison de Cléophas fit une église...
Traduction: l'abbé Bareille, Oeuvres complètes de S. Jérôme, Paris 1878, t. 2, p. 18.
Jésus rompe le pain à Emmaüs, Codex Egberti, Xe s., Bibliothèque municipale, Trèves, Allemagne
Cléophas qui avait reçu Jésus dans sa maison à Emmaüs, termina sa vie en martyr:
Adon, archevêque de Vienne en Lotharingie, Martyrologe, IXe siècle:
Septembre 25, Nativité [anniversaire du martyre] de Cléophas, l'un des soixante-dix disciples du Christ. Le Seigneur lui apparut après sa Résurrection, alors qu'il marchait avec un autre disciple vers le village d'Emmaüs, qui est appelé Nicopolis de nos jours. Selon la tradition, dans la même ville et dans la même maison où Cléophas avait reçu le Seigneur à sa table comme un pèlerin, il fut tué par les Juifs pour sa confession de Celui qu'il avait reconnu à la fraction du pain. Là aussi il est enterré dans la mémoire glorieuse.
PL CXXIII, 193, la traduction est de nous
Synaxaire arménien, 21 du mois de Sahmi (30 Octobre)
Le saint apôtre Cléophas était parent du Christ; car il était le frère de Joseph, père de Dieu. Il devint disciple du Christ; il fut témoin, par les yeux et par l'ouïe, des actes du Seigneur, des la naissance du Christ. Il fut le premier à apercevoir le Seigneur ressuscité, car sur le chemin d'Emmaüs le Christ apparut à lui et à ses compagnons, et fit le chemin avec eux, ainsi que le raconte Luc. Cléophas fut le premier commensal du Seigneur après sa résurrection, mangeant et buvant avec Lui . Il reçut aussi le Saint-Esprit el obtint la grâce des miracles et des langues. Il prêcha dans le pays et convertit beaucoup [d'habitants] au Christ. Il mourut d'une mort de martyr.
Traduction: PO XV, Paris, 1927, pp. 398-399
James Tissot, XIXe s.
Fra Bartolomeo, XVe s.
Psautier de Saint-Alban, XIIe s.